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9 juillet 2013 2 09 /07 /juillet /2013 06:09

 

En Ecosse, des micro-exploitations non professionnelles sont appelées des crofts et sont reconnues depuis 1955, date à laquelle de Crofting Act leur a permis d’avoir une existence officielle. Une commission a été fondée pour gérer les affaires et les intérêts des Crofters.

 

L’objectif du gouvernement écossais est de soutenir le plus possible ces crofts car ils contribuent au maintien du tissu rural dans les zones difficiles. De plus, ils sont considérés comme une sorte de réservoir génétique national de races rustiques ovines et bovines.

 

Il devient urgent que le gouvernement français prennent exemple sur l’Ecosse, au lieu d’imposer aux tout petits fermiers-éleveurs, dont je fais parti, les mêmes obligations que pour les gros éleveurs, comme par exemple l’identification électronique, pour n’en citer qu’une.

 

 

Le Crofting est né d’une lutte paysanne exemplaire

 

L'Ecosse est une terre marquée par les luttes, notamment les luttes paysannes menées par les Crofters, qui ont abouti à la reconnaissance de leur existence et la création d'un statut juridique du foncier adapté à leurs pratiques agricoles. 

 

Un « Croft » est une petite surface agricole destinée à une agriculture paysanne de subsistance et ayant conservée un statut juridique particulier. Les Crofters sont ceux qui occupent et qui cultivent ces petites parcelles.

 

A l'origine, les Crofters n'étaient pas propriétaires des parcelles occupées, ils payaient un loyer pour le terrain nu, pour la maison et les bâtiments agricoles éventuels. Aujourd'hui, il est possible à un Crofter de devenir «occupant/propriétaire». Mais pour avoir le droit d’accéder et de cultiver ces terres, la lutte a été longue.

 

 

Pour une reconnaissance des droits des Crofters 

 

Jusqu'au XVIIIe siècle, l'agriculture écossaise était surtout une agriculture de subsistance plus particulièrement jardinière et pastorale, la terre étant plus adaptée aux petits jardins et aux pâturages qu'aux grandes cultures à part quelques exceptions comme les cultures d'orge, d'avoine, et plus récemment, de pommes de terre.

 

Les terres appartenaient à de grands propriétaires terriens qui les louaient à des intermédiaires, qui eux-mêmes les sous-louaient contre un loyer élevé à des petits paysans. Ces derniers n'avaient que peu de marge de manœuvre pour innover dans leurs pratiques, et leur survie n'était pas simple car ils n'avaient aucun droit sur ces terres.


Les besoins de main-d’œuvre pour répondre à l'essor industriel du XVIIIe siècle et la volonté des propriétaires terriens de rentabiliser leurs terres en y installant d'immenses fermes à moutons, ont poussé les propriétaires à chasser sans compensation (politique des Clearances : le « nettoyage ») des dizaines de milliers de paysans exploitant les petites parcelles. Ces paysans ont été déplacés sur les côtes où ils ont pu cultiver quelques parcelles inoccupées mais ne leur permettant pas de vivre pleinement de la terre.

 

Ils ont dû trouver d'autres activités dans les filatures, sur les bateaux de pêche, ou encore dans les villes... mais ce qui caractérise les Crofters encore aujourd'hui, c'est qu'ils n'ont jamais perdu la fibre paysanne, ni renoncé à la terre qu'ils ont continué à cultiver même sur de minuscule parcelles. La politique des « Clearances » a donc donné naissance au mouvement des Crofters que l'on connait aujourd'hui et à une prise de conscience importante en Ecosse.


En 1872, une loi sur l'éducation a permis à de nombreuses personnes d'apprendre à lire et à écrire. Ce qui a aussi permis de formuler des revendications pour protéger les droits des Crofters, leurs accès à la terre et leurs pratiques.

 

Les Crofters se sont mobilisés en formant des groupes et des associations, en écrivant dans les journaux, en faisant des grèves de paiement de leurs baux.

 

Ils ont su rallier à leur cause des politiciens puis l'opinion publique urbaine qui ont porté leur parole dans d'autres sphères.

 

Malgré les violences policières, les paysans ont continué cette désobéissance en enfreignant les lois écrites par et pour les propriétaires terriens sans respect d'aucun équilibre social.

 

Face à cela, le gouvernement a décidé de mettre en place une commission dans laquelle les Crofters ont bénéficié d'un droit de parole. Droit qu'ils n'ont utilisé que pour dénoncer la situation et le déséquilibre des droits. Le gouvernement les a entendus et a adopté une loi en 1886 pour la protection de leurs droits.

 

 

La loi des Crofters

 

La loi vise donc à protéger les droits des Crofters et à leur apporter une plus grande sécurité, en leurs garantissant des loyers équitables, en leur permettant de réclamer une compensation à la fin du bail pour les améliorations apportées, et en les protégeant contre les décisions d'expulsions arbitraires des propriétaires terriens.

 

Pour ce faire, elle met en place un système de double propriété des parcelles occupées par les Crofters.

 

Ainsi, si le propriétaire terrien possède toujours la parcelle et reçoit un loyer, leurs pouvoirs d'expulsion sans préavis, de fixation du prix du bail et d'arbitrage des retards de paiement du loyer sont désormais très faibles.

 

Ces pouvoirs sont remis entre les mains d'une commission du gouvernement : la commission des Crofters. En cas de vente, les Crofters sont prioritaires, individuellement ou collectivement, et le prix peut être imposé par arbitrage du gouvernement.

 

Certains droits qui incombaient jusqu'alors à la propriété privée sont devenus des droits gérés collectivement en lien avec la puissance publique, alors même que la propriété privée semblait à cette époque, inébranlable : reconnu en tant que droit fondamental de la Grande-Bretagne.

 

Si la loi comporte aussi quelques faiblesses, notamment le fait qu'aucune disposition sur les paysans sans terre n'ait été prise, elle est encore vécue aujourd'hui comme une victoire.

 

L'héritage de la loi n'est pas qu'un symbole, puisqu'il a permis de remettre en cause un système injuste d'abus des droits de propriété privée sur le foncier et de protéger des paysans en leur reconnaissant des droits.

 

Cette remise en cause n'a été possible que grâce à une lutte collective des paysans et des citoyens sensibilisés à la cause et à un relai médiatique.

 

La loi de 1886 a été révisée à plusieurs reprises notamment en 2007 et 2010 dans le cadre du programme de réforme agraire du gouvernement écossais. La commission des Crofters existe encore et gère les parcelles sous statut « Crofts ». Elle siège à Inverness.



 

La communauté des Crofters aujourd'hui  


La Fédération des Crofters écossais (Scottish Crofters Federation), adhérente à la Via Campesina, est la seule organisation à promouvoir le Crofting, et celle qui regroupe le plus grand nombre de « petits » paysans au Royaume-Uni.

 

Leur principale mission est de préserver et de promouvoir les droits des paysans, l'habitat, les pratiques, la culture de la communauté des Crofters.

 

Pour cela, la fédération travaille au développement et à la promotion du Crofting, et de ses avantages sociaux, environnementaux et culturels liés aux pratiques des Crofters.

 

Un des moyens de valorisation des pratiques des Crofters est la mise en place d'une marque collective sur les produits issus du Crofting écossais. Cette marque peut être attribuée à la viande (bœuf, agneaux, porcs...) ou bien aux légumes (pommes de terre), aux fruits, œufs, produits laitiers, laine... issus des Crofts écossais à condition que le producteur soit membre de la fédération écossaise des Crofters et remplisse un certain nombre de conditions (respect des standards de qualité, d'hygiène, de santé et de bien-être animal, de traçabilité intégrale des produits).

 

Ainsi les consommateurs savent ce qu'ils consomment mais, peuvent en plus soutenir le patrimoine et la culture des Crofters écossais, préserver les habitats et l'environnement local.

 

Fondée et dirigée par des Crofters, l'association s'engage aussi auprès des institutions pour influencer les prises de décisions dans le domaine agricole, rural, environnemental en représentant les intérêts des Crofters.

 

Bien des points communs rapprochent un bon nombre de petits éleveurs français de la lutte écossaise et des initiatives des Crofters : l'accès à la terre constitue avec l'accès à l'eau et aux semences les piliers des droits fondamentaux des paysans.

 

L'appropriation du monde par les firmes n'est pas une fatalité!

 

 

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Published by Franck. - dans Réflexions agronomiques